Pourquoi respirer par le nez en yoga ?

En yoga, la respiration se pratique essentiellement par le nez. Pourquoi ? 

Les personnes qui débutent en yoga sont parfois surprises que, pour la pratique des postures, la première recommandation soit de respirer par le nez (sous-entendu : pas par la bouche, qui reste fermée). Pourquoi ? Voici quelques éléments de réponse, que je tiens de mes formateurs de yoga et de lectures sur le sujet complexe de l’art de respirer (par le nez).


Tous les experts de la physiologie respiratoire s’accordent sur les méfaits à moyen ou long terme de la respiration buccale et de l’hyperventilation chronique : inspirer par la bouche peut donner des sensations d’oppression, parce qu’elle mobilise le haut du buste (la zone thoracique) et, par cette hyperventilation, peut déclencher de l’angoisse ; expirer par la bouche nous vide trop rapidement de notre CO2. Tous recommandent de respirer constamment par le nez, même pendant l’effort et le sommeil. Pendant l’effort physique, on peut ressentir un certain inconfort au début, avec l’impression de manquer d’air. Cependant, « on se rend vite compte que malgré l’inconfort, musculairement tout semble beaucoup plus facile » (Yvan Cam, biologiste et spécialiste de la respiration). Respirer par le nez permet de faciliter la fonction physiologique de la respiration.


Les narines sont les premiers filtres de l’air, qui vont le débarrasser de ses poussières et le réchauffer avant qu’il n’arrive aux poumons, « organes particulièrement fragiles ». Notre nez contient des récepteurs du froid qui sont activés au passage de l’air. Essayez de respirer alternativement par la bouche et par le nez par temps froid, vous constaterez une différence : l’air refroidit fortement l’intérieur de votre bouche (attention aux angines), et pas (ou peu) votre nez. D’ailleurs, ces récepteurs sont « bernés » si vous respirez du menthol ou sucez des pastilles mentholées (principe des remèdes qui soulagent la sensation de nez bouché lors des rhumes, sans pour autant avoir d’effet concret sur l’ouverture des narines). 


Les poils et le mucus retiennent les particules extérieures qui sont évacuées par écoulement ou éternuement. Non seulement le nez assure la filtration de l’air, mais il produit du monoxyde d’azote qui permet de détruire bactéries ou virus dans cette région. À l’inverse, la respiration buccale modifie le microbiote buccal favorisant les infections à répétition. Le conseil d’un maître yogi résonne avec ces constatations biologiques : « Expirez lentement, par les narines, et non par la bouche, car cela peut abîmer les dents » (Kamlesh Patel).


Ce n’est pas un simple conduit passif, il évolue en permanence et n’est jamais inerte : chaque narine se gonfle et se dégonfle alternativement, selon un rythme régulier, dont on n’a pas encore percé tous les secrets (j’y reviendrai dans un prochain article). On le sent bien lorsqu’on est enrhumé : les infections et allergies accentuent le gonflement des tissus qui peut aller jusqu’à obstruer les cavités. C’est ce gonflement qui explique la sensation de nez bouché plus que l’accumulation de mucus (parfois, il n’y a plus de mucus et pourtant la congestion nasale n’a pas diminué… on se mouche violemment jusqu’à se faire saigner alors qu’il n’y a rien à évacuer). D’ailleurs, lorsqu’on est enrhumé, on a tendance à respirer par la bouche, alors qu’il vaudrait mieux continuer à respirer par le nez… pour ne pas le laisser se boucher.


Il interagit avec le système nerveux (autonome, somatique et sensitif) : il est contrôlé par le système nerveux et son activité influence ce dernier en retour. En particulier, au niveau du système nerveux autonome, une respiration lente tend à le clamer tandis qu’une respiration rapide et haute tend à l’exciter.


J’en arrive donc à ce point à mon avis fondamental : respirer par le nez a un impact sur notre état mental

La perception du passage de l’air dans les narines est importante pour notre bien-être respiratoire. Certains « exercices » de respiration qui visent à prendre conscience de sa respiration et à se détendre, consistent justement à porter son attention sur le passage de l’air par les narines à chaque respiration. A contrario, l’absence de cette perception chez des personnes atteintes du « syndrome du nez vide » est si perturbante que ces dernières ont l’impression de suffoquer alors que leur nez est normal !

Mais plus encore, le nez étant connecté au cortex olfactif, chaque inspiration stimule le système limbique. Il a ainsi été montré que l’inspiration nasale améliore l’apprentissage par rapport à l’inspiration buccale. En plus d’améliorer l’attention, la respiration nasale calme le mental (via une action sur les ondes cérébrales) et favorise le sommeil, alors que la respiration buccale qui fait respirer dans le thorax et stimule le système nerveux sympathique (notre accélérateur), nous maintient dans un niveau de stress constant.

C’est pourquoi, respirer par le nez permet de détendre, de calmer le mental, de pacifier l’ensemble de notre fonctionnement physiologique, d’avoir une meilleure énergie. En yoga, on associe la respiration nasale et l’attention sur l’inspiration, l’expiration, les rétentions, ainsi que sur les rythmes, pour que le souffle devienne prolongé et subtil. D’ailleurs, depuis longtemps, les sages de l’Inde avaient observé la corrélation entre l’état d’esprit et le rythme de la respiration : « L’esprit s’agite lorsque la respiration s’agite ; l’esprit se calme lorsque la respiration se calme » (Hatha Yoga Pradīpika). On peut donc agir sur son état en respirant calmement, par le nez !


Je voudrais enfin ajouter quelque chose : la respiration nasale a une influence sur notre posture !

Lorsque que nous expirons par la bouche, nous « détruisons » notre posture par une trop forte dépression, et si nous voulons une posture ferme, la respiration nasale est nécessaire. Comment ? La respiration nasale et « naturelle » construit notre posture et nous redresse, en assouplissant les muscles respiratoires, en corrigeant la posture et en nous verticalisant. À l’inverse, vouloir « se tenir droit » (donc sur-solliciter les muscles moteurs) nous épuise et nous tend. En yoga, les postures āsana et la respiration prāṇāyāma sont toujours intimement liés : très souvent, je vous invite à laisser la respiration redresser votre posture. « Bien exécutée, la respiration abdominale replace le diaphragme dans son axe vertical, détend les muscles de la chaîne respiratoire, corrige progressivement la posture en travaillant les tensions des muscles moteurs qui la contraignent habituellement » (Emmanuel Duquoc). Pour « corriger » notre posture, mieux vaut laisser la respiration nous redresser que d’essayer de se tenir droit.


« La meilleure façon de respirer, c’est encore la nôtre, c’est de respirer par une narine puis l’autre, et de recommencer » 🎶

En conclusion, le nez remplit plusieurs fonctions qui en font l’organe le plus performant pour respirer : une fonction respiratoire (il réchauffe et humidifie l’air qui arrive aux poumons), une fonction immunitaire (c’est une première ligne de défense par les poils et le mucus), une fonction olfactive (dont je n’ai pas parlé). Respirer par le nez :

  • Améliore donc nettement la physiologie respiratoire (agit comme un filtre, régule la température de l’air, prévient le dessèchement)
  • A des effets sur nos facultés cognitives et psychiques (attention, détente, calme mental, qualité du sommeil)
  • Renforce la fonction immunitaire.

Enfin, et c’est, je crois, la principale raison qu’on m’ait donnée en Inde, le nez est fait… pour respirer ! Comme la bouche est faite pour manger, parler, chanter. Certes, on peut toujours respirer par la bouche (de secours), mais elle est moins performante. Que ce soit dans les postures de yoga, ou dans la vie de tous les jours, on a tout intérêt à respirer par le nez. Comme dit Yvan Cam, respirer par le nez sera toujours la meilleure façon de respirer 👃 !

J’entends une de vos questions… et si j’ai une narine bouchée en permanence ou une déformation de la cloison nasale ?

Parfois, on croit que la narine ne fonctionne pas, alors qu’il peut s’agir d’une sensation émoussée, diminuée (voir ci-dessus). Il est dit que la respiration alterne toutes les deux heures, tantôt passant par la narine gauche, tantôt passant par la narine droite. L’air franchissant les narines, il est brassé et descend dans les poumons. En persévérant dans une respiration nasale dans la détente, sans stress, la sensation peut alors s’améliorer. Faites confiance à la capacité d’adaptation de votre corps. En revanche, dans les cas où la respiration par le nez n’est pas possible, respirez comme vous pouvez… Dans tous les cas, gardez à l’esprit que c’est le yoga qui s’adapte à vous, pas l’inverse !

Je vous souhaite de respirer… « les doigts dans le nez » !


Pour aller plus loin et sources de cet article :

  • « L’art de déboucher son nez », Courrier international, n° 1731, janvier 2024.
  • « J’ai testé cette micro-pratique… », Emmanuel Duquoc, Alternatif Bien-être, p. 24-26. 
  • « Respirez-vous par la bouche ? Pourquoi vous devriez y faire très attention ? », juin 2022, sur le site Presse santé : https://www.pressesante.com
  • « La respiration, outil de guérison », Oscar Hart, Néosanté, octobre 2023.
  • « Pourquoi respirer par le nez ? », Yvan Cam, 2018, https://artdelarespiration.fr